Dans le secteur des projets d’infrastructures à grande échelle, la gestion de l’équilibre financier demeure un exercice délicat, souvent exposé à des défis et incertitudes imprévues.
Une analyse rigoureuse des risques potentiels, accompagnée de la mise en œuvre méthodique de contre-mesures appropriées, s’avère fondamentale pour garantir la réussite et la viabilité économique de tels projets.
Identification des risques :
La première démarche de protection contre les dépassements de coûts consiste en une identification approfondie des risques éventuels, englobant aussi bien les facteurs connus que ceux difficilement prévisibles qui peuvent impacter le budget. Par exemple, le projet du tunnel sous la Manche entre le Royaume-Uni et la France a été confronté à des aléas géologiques ayant occasionné des surcoûts. Un registre exhaustif des risques doit inclure toutes ces possibilités, des catastrophes naturelles à l’instabilité des marchés.
Analyse quantitative des risques :
Après leur recensement, il convient de procéder à une analyse quantitative pour évaluer les implications financières de chaque risque identifié. Des outils tels que les simulations Monte Carlo permettent d’estimer la probabilité de dépassements budgétaires et d’anticiper les besoins en réserves financières.
Répartition des risques :
Déterminer la prise en charge des risques est déterminant pour la gestion contractuelle. Dans le cadre du projet Big Dig à Boston, la répartition des responsabilités entre acteurs publics et entrepreneurs fut un élément-clé du contrôle des coûts. Les contrats doivent définir précisément les obligations de chaque partie afin d’éviter les litiges et de garantir la responsabilité.
Stratégies d’atténuation :
Les stratégies d’atténuation sont élaborées spécifiquement pour chaque risque identifié. À titre d’exemple, le gouvernement norvégien a réduit le risque de surcoûts dans ses projets de tunnels en réalisant des études géologiques approfondies en amont des travaux, limitant ainsi l’apparition de problèmes inattendus.
Surveillance et examen continus :
La complexité évolutive des projets d’infrastructure impose une veille constante des risques. Le Tunnel de base du Saint-Gothard, en Suisse, illustre cette exigence par l’ajustement régulier de ses dispositifs de gestion des risques en fonction de l’évolution des données collectées en temps réel.
Réserves pour imprévus :
La constitution d’une réserve pour imprévus représente une mesure financière prudente. Le projet de l’Aéroport international de Hong Kong a prévu des provisions conséquentes, permettant d’amortir les surcoûts sans compromettre la stabilité financière globale du projet.
Engagement des parties prenantes :
L’implication active de tous les intervenants, y compris les communautés locales, contribue à prévenir les retards liés à d’éventuelles oppositions. Le projet ferroviaire High Speed 2 (HS2) au Royaume-Uni favorise l’intégration des communautés dans le processus de planification afin de limiter le risque de batailles juridiques coûteuses et de délais supplémentaires.
Grâce à l’application rigoureuse de ces méthodes, la gestion intégrée de l’identification, de l’évaluation et de l’atténuation des risques permet aux projets d’infrastructures les plus ambitieux de poursuivre leurs objectifs de rentabilité et de respect des échéances.
L’approche anglo-saxonne du risk management dans les grands projets d’infrastructure se distingue par sa rigueur méthodologique, son intégration dans la gouvernance du projet et son orientation vers la performance globale.
Voici les principaux éléments qui la caractérisent, selon les rapports de McKinsey et de l’IOSR Journal of Business and Management.
1. Une approche intégrée sur tout le cycle de vie du projet
Contrairement à certaines pratiques plus ponctuelles, l’approche anglo-saxonne considère la gestion des risques comme un processus continu, structuré autour de quatre phases :
- Planification et conception: identification précoce des risques stratégiques.
- Procurement et contractualisation: choix de modèles contractuels adaptés au partage des risques.
- Construction: suivi actif des risques opérationnels.
- Exploitation: gestion des risques de performance, maintenance, et obsolescence.
2. Des outils et méthodes standardisés
- Risk Register: registre des risques mis à jour régulièrement.
- Matrice de criticité: croisement de la probabilité et de l’impact.
- Monte Carlo simulations: modélisation probabiliste des scénarios.
- Contingency planning: budgets et délais de réserve intégrés dès le départ.
3. Un pilotage par des experts dédiés
- Risk Manager: rôle distinct du chef de projet, responsable de la stratégie de gestion des risques.
- Comités de risques: revues régulières avec les parties prenantes.
- Culture du reporting: transparence sur les risques émergents et les mesures prises.
4. Des bénéfices démontrés
Les études de cas (Big Dig à Boston, Hoover Dam, Panama Canal) montrent que cette approche permet :
- Une réduction des coûtsliés aux imprévus.
- Une meilleure maîtrise des délais.
- Une acceptabilité sociale renforcéegrâce à l’anticipation des risques environnementaux et politiques.
️5. Comparaison avec l’approche française
En France, la gestion des risques est souvent intégrée dans les missions de l’AMO ou du maître d’œuvre, mais moins institutionnalisée. L’approche anglo-saxonne, en revanche, en fait un pilier autonome de la gouvernance, avec des outils, des rôles et des processus dédiés.