Les prix des matériaux du bâtiment augmentent, pourquoi ?
Notons qu’entre juillet 2020 et juillet 2022, les prix des matériaux ont augmenté de 14 % (dernier indice INSEE BT01 con : lire en note 1). Ce chiffre est à mettre en parallèle de celui de l’inflation à 5% sur la même période.
En cause, les perturbations des chaînes d’approvisionnement pendant la crise sanitaire en 2020 et 2021 et depuis le printemps par la guerre en Ukraine qui ont fait flamber les prix des énergies et de certaines matières premières comme l’acier, l’aluminium et le cuivre. Comme nous l’avons analysé dans l’une de nos récentes publications sur le réseau LinkedIn (lire en note 2), la projection des prix de ces métaux donne une tendance forte qui indique qu’ils vont continuer à grimper, pour l’acier notamment, jusqu’à 160% d’ici le printemps prochain.
Du côté du bois, c’est plutôt la forte demande intérieure en Chine qui a freiné ses exportations et amplifier ses importations. Par ailleurs, durant la crise sanitaire de nombreuses usines de production se sont arrêtées et la fabrication a pris beaucoup de retard. Mais, une fois les périodes de confinement et les principales mesures d’arrêt des activités terminées (sauf peut-être en Chine), la demande de matériaux a connu partout une forte croissance, à tel point que la demande a dépassé l’offre. Ainsi, si le hêtre est plus cher de 10%, le chêne monte jusqu’à +56%.
Aux causes listées ci-dessus, on peut aussi noter en France l’anticipation de la nouvelle règlementation environnementale RE 2020 qui a partiellement impacté le marché du neuf sur certains matériaux.
Ces différents facteurs ont, d’une manière ou d’une autre, contribué à la flambée du prix des matériaux de construction. Comme l’écrit fort justement le site PlanRadar (lire en note 3) : « face à cette situation tendue dans le monde entier, les conditions étaient réunies pour entraîner la spéculation sur les matières premières et les matériaux. »
Le blog des architectes Maëlys GAILLIEGUE, Gwennaëlle PEUZIAT et Patrick MONNIER (lire en note 4) liste à fin 2022 la variation sur douze mois des prix des principaux matériaux impactés (mais ce ne sont pas les seuls !) :
En ce début de 2023, il est bien hasardeux de dire ce que ces chiffres seront dans les mois qui viennent.
Comme l’écrit le journal Les Echos, cette augmentation du prix des matériaux a occasionné de nombreuses difficultés aux entreprises et artisans. À cause de la hausse du prix des matériaux, ceux-ci ont de plus en plus de mal à respecter les délais de construction prévus en ce qui concerne le neuf ou la rénovation. Leurs fournisseurs ne peuvent plus respecter les calendriers de livraison, les délais d’approvisionnement des matériaux étant devenus incertains. Cette incertitude impacte négativement le bon déroulement des chantiers en ce sens qu’elle est source de retard sur certains. Pour d’autres, l’incertitude liée à la livraison des matériaux est à la base de l’interruption des travaux pendant quelque temps.
En raison de la flambée des prix, les entreprises et artisans ont aussi d’énormes difficultés à garantir les tarifs convenus avec leurs clients. En réalité, la hausse des prix des matériaux est accompagnée par une crise liée à la logistique, elle aussi subissant des hausses de prix et des incertitudes sur les délais de livraison.
C’est particulièrement visible sur les prix du fret maritime qui cumulent depuis le début de 2020 les effets d’une désorganisation globale du marché liée au COVID, une capacité limitée du nombre des conteneurs et la congestion des principaux ports mondiaux. Si le commerce mondial s’est remis rapidement après le choc de la pandémie, et que le commerce de marchandises a dépassé dès le premier trimestre 2021 les niveaux d’avant la récession liée au Covid, une croissance annuelle du volume de l’ordre de 10%/an ne peut pas expliquer seule le prix du fret maritime à un niveau 7 à 10 fois supérieur à celui d’avant COVID.
La combinaison de ces deux éléments, matériaux et logistique, est à la base des ruptures de stock qui obligent les acteurs du bâtiment à proposer à leurs clients des matériaux différents de ceux convenus à la base dans leur devis. C’est là que l’économie circulaire peut apporter des solutions, notamment par l’écoconception et les matériaux de réemploi.
Indices de prix de production industrielle de quelques matériaux pour le marché français
Coût des matériaux
Source : Insee
Comment l’économie circulaire peut-elle combattre la hausse des matériaux ?
Comme le rappelle l’Institut National de l’Economie Circulaire (INEC : lire en note 5) : « le modèle de production et de consommation qui prévaut depuis le début de la révolution industrielle – au milieu du XIXème siècle qui fait basculer une société à dominante agraire et artisanale vers une société commerciale et industrielle – repose sur des ressources naturelles abondantes et un schéma linaire ».
Comme nous en avons pris conscience particulièrement depuis le début du siècle présent, les fondements de cette « société de consommation » ont trouvé leurs limites face aux défis environnementaux et à ceux qu’impliquent l’augmentation de la démographie mondiale. Réduire fortement les multiples impacts de l’économie linéaire s’impose à nous, collectivement. C’est le modèle de l’économie circulaire.
Et à l’intérieur de ce modèle, c’est l’écoconception en général et le réemploi des matériaux de construction en particulier qui doivent retenir l’intérêt des décideurs pour limiter les coûts. Ce concept rassemble un ensemble de pratiques consistant à « utiliser de nouveau [des matériaux ou éléments de construction issus de déconstruction] pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus ». C’est en substance la définition donnée à l’article 3 de la Directive européenne n° 2008/98/CE du 19/11/08 relative aux déchets, transposée en droit français par l’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement (lire en note 6).
Nombreux sont les acteurs économiques qui, ayant pris conscience des enjeux de l’écoconception et qui, notamment, développent des pratiques de réemploi, contribuent par leur volontarisme à atteindre les objectifs visés dans la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC : lire en note 7) en matière de souveraineté.
Conclusion :
Alors que cette pratique ancestrale du réemploi semblait disparue (n’oublions pas que les pharaons égyptiens et les empereurs romains en ont abusé pour bâtir leurs palais et leurs villes), balayée par le développement de l’industrie du bâtiment – au profit de matériaux 100 % neufs et normalisés – elle connait ces dernières années un regain de popularité dans de nombreux pays, notamment en France. Le réemploi apparaît aujourd’hui comme l’une des innovations montantes dans une industrie du bâtiment qui peine à entrer dans l’ère de l’architecture écologique et supporte des délais à rallonge associés aux hausses des prix des matériaux neufs évoqués ci-dessus.
Ainsi, de plus en plus d’appels d’offres, lancés par des décideurs tant publics que privés, pour des chantiers de construction neuve, de réhabilitation ou encore d’aménagement urbain, comportent aujourd’hui des engagements en matière d’éco-conception et des clauses relatives au réemploi des matériaux.
En tant qu’expert dans ce domaine, RLB-SQA est l’un des cabinets d’économistes de la construction qualifiés pour accompagner ses clients et réaliser ce type de mission. D’ailleurs, pour vous aider à apprécier l’évolution, l’incertitude et la volatilité des prix, RLB a mis en place un outil centralisé de modélisation des coûts qui tient compte de différents indicateurs, références et paramètres pour suivre l’évolution des prix des matériaux, de la main-d’œuvre, des équipements et des composants. (lire en note 8).
Nos experts et consultants sont à votre disposition pour accompagner vos réflexions et structurer vos projets, alors n’hésitez pas, contactez-nous.
Cordialement.
Matthieu LAMY
Président
Note 1 : insee.fr
Note 2 : Publication de RLB France sur le réseau Linkedin
Note 3 : PlanRadar.com
Note 4 : lesouvrages.com
Note 5 : Institut National de l’Economie Circulaire
Note 6 : Code de l’Environnement : art. L 541-1-1
Note 7 : SNBC
Note 8 : RLB Construction Cost Indicator